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L'Enfant - Film (2022)

Au milieu du 16ème siècle, Bela est un jeune homme adopté par un riche couple de marchands franco-portugais. Il aime Rosa et Rosa l'aime. La vie pourrait être simple. Mais aux abords de Lisbonne, l'Inquisition gronde. L'équilibre familial devient fragile. Des fantômes surgissent.

L'Enfant - Film (2022)
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Qu’est-ce qu’il y a comme vent qui bruisse dans les arbres dans ce film ! Il y a du vent qui bruisse dans les feuillages le jour, du vent qui bruisse dans les feuillages la nuit. Des plans de branchages doucement agités par la brise au petit matin, des plans de frondaisons fortement agités par la houle au crépuscule. Ça bruisse, ça bruisse... Ça n’arrête pas de bruisser. C’est beau, et en même temps il y a une sorte de systématisme qui finit par être lassant. Quel est le message subliminal ? « Ô gentil spectateur, initie-toi dès à présent à la dendromancie pour saisir le sens mystique de ce monument du cinématographe. » nnÉtait-ce là ce que voulaient nous dire Marguerite de Hillerin et Félix Dutillois-Liégeois ? nnJe ne sais pas. Ce que je sais en revanche c’est qu’au bout du énième plan d’arbre agité par la brise, vers la fin, j’ai entendu quelques rires étouffés dans la salle. Oh les mufles ! Oh les béotiens sanglants ! un film si esthétique, si poétique…nnPas tant que cela en fait, je m’étonne que certains le considèrent comme un joyau contemplatif. C’est plutôt plat et confus, souvent vain. C’est l’adaptation libre d’un texte de Kleist dont la trame est déjà assez embrouillée. Ça s’appelle l’Orphelin ou l’Enfant trouvé c’est l’histoire de Piachi, époux d’Elvire. Leur enfant Paolo meurt pendant un voyage. Piachi adopte à la place un autre enfant, Nicolo. Celui-ci va ressembler étrangement à un homme qui, il y a moult années, a sauvé Elvire de la noyade. La jeune femme est tombée amoureuse de ce malheureux sauveteur. En gros ça doit être cela, je raconte mal. Et puis Kleist c'est souvent compliqué. Je reviens au film. On s’attend à des passions déchirantes et baroques à Lisbonne et on se retrouve avec un vague épisode de Plus belle la vie en costumes. Je n’ai pas pu souffrir le jeu de ce Monsieur Corbéry de l’Académie Française. Sa voix, sa diction, ses postures… rien ne va. Le dialogue entre Bela et son personnage (Pierre, Paul ou Jacques) au pied d’un arbre (certainement en train de bruisser lui aussi) est une punition visuelle et auditive. On est au Portugal au p***** de XVIe siècle, est-ce que c'est une blague ça pour vous ? À un moment donné, je m’en souviens très bien, ce Corbéry laisse échapper un « non mais tu vois quoi » proprement criminel, au milieu d’une tirade où il expose ses fastidieux états d’âme au jeune bellâtre. « Non mais tu vois quoi ». Plus loin, le gros barbu qui renverse la table avec un naturel confondant dit « nous n’avons pas assez d’économies pour lui laisser la maison ». Quoi ? Maintenant c’est Stéphane Plaza immobilier ? Veuillez épargner mes oreilles. Veuillez épargner mon âme. Il s'agit de respecter les gens avec une sensibilité qui se déplacent jusqu’à un cinéma. Quelle est la probabilité pour qu’un homme de la Renaissance prononce ces paroles « non mais tu vois quoi », "on n'a pas assez d'économies pour lui laisser la maison". Je ne demande pas que les personnages s’expriment en alexandrins, en roulant les "r" ou en prononçant les « oie » « ouai » comme en ancien français, mais il y a quand même des limites. « Non mais tu vois quoi. » Et, à propos de « voir », puisque je parle des choses qui m’ont énervé, c’est quand on voit la tête de Juan Branco au milieu d’une des plus belles scènes du film, une scène de chant. Ils ont réussi à placer la tête de Juan Branco dans le film. Je n’ai rien contre lui, il est très bien mais il appartient au XXIe siècle. Au XVIe, il doesn’t belong merci. Et la dénonciation de la méchante Inquisition à la fin… c’est d’un convenu et d’un maladroit. Quel manque de grâce et de légèreté pour un film qui prétend en avoir. nBref, placer un film sous le patronage de Kleist ne garantit aucune réussite . L’enfant perd le spectateur par la complexité inutile de l’intrigue, le peu d’intérêt que suscitent les personnages et la vacuité de la mise en scène. Il y a deux scènes de chants qui valent le détour. Et aussi la langue portugaise, qui rattrape tout. Une langue si douce, si équilibrée entre le bondissement et le chuchotement qu’il nous semble qu’elle bruisse plus joliment que tous les vents dans tous les arbres. Pour le reste, et si vous aimez Kleist, mieux vaut revoir Michael Kolhaas d’Arnaud des Pallières.